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Sour Lounge
29 novembre 2008

Merci d'être velue

Hairy_Scary_by_kiyahocks



J'aime les poils. Il doit y avoir un mot pour ça, une fin en -phile, péliphile, peut-être, ou capilophile. Ouais. J'aime les poils, où qu'ils se trouvent, comme d'autres aiment les pieds, ou le latex, ou les bas de soie noire tenus par un porte-jarretelles en dentelles de Pont-l’Abbé.
Fétichiste. Allez ! Le mot est lancé. Tu peux même le faire rimer avec pervers si ça te rassure. Fétichiste des poils. Crois-moi, à notre époque c'est pas une sinécure.
Aujourd'hui, les femmes n'ont qu'une idée en tête : traquer les poils. Rasoir aux lames multiples, épilation à la pince, à la cire ou au laser, tous les moyens sont bons pour paraître épargnées par la pilosité. Se sentent-elles plus humaines, moins animales, des femmes modernes loin de nos primates d'ancêtres ? Va savoir.
Aisselles, jambes, visage, tout le corps y passe, jusqu'au pubis, que les plus jusqu'auboutistes voudraient glabre. À croire qu'elles aimeraient rester d'éternelles enfants. C'est peut-être ça d'ailleurs, se donner l'illusion de vaincre les années en s'affranchissant du poil, conserver sa jeunesse au détriment de la pilosité. Ce serait bien dans l'air du temps, ceci dit, cette peur de vieillir, peur des rides, peur du flétrissement. Peur de traverser la vie. Tu verras qu'un jour elles craindront la perte de leurs cheveux et se raseront le crâne.
Ha non, décidément, ce n'est pas facile d'aimer les poils de nos jours.
Comble de l'ironie, celles qui partagent mes idées, les féministes les plus extrêmes, les militantes de la vieille école revendiquant le droit de ne pas risquer le cancer par crèmes épilatoires interposées ou de ne pas souffrir pour être belles en se brûlant à la cire, celles-ci sont les plus suspicieuses. Quand elles ne sont pas franchement hostiles. Tu comprends. Un homme qui les encourage, c'est louche. Elles vivent pour le combat, le droit d'être contre ceux qui sont contre les poils. Ôte leur cette part de leur lutte et elles se sentent perdues, amoindries, niées dans leur féminité proclamée. Ou alors elles craignent une sournoise manœuvre d'approche, pas de problème, chérie, je les aime tes poils, ils te rendent si belle, et t'as déjà essayé sans ?

Mon pote René, il comprend pas mes goûts. Il fait des efforts, hein, c'est mon pote, mais il comprend pas. Ça ne l'empêche pas, entre deux verres, de chercher des solutions.
- Les portugaises ? T'as essayé les portugaises ? Tout le monde sait qu'elles ont de la fourrure aux guibolles qu'on pourrait les chasser pour en faire des manteaux à boycotter.
Mon pote René, la vie il l'a apprise entre TF1 et les blagues de zinc. Alors je lui dis que les portugaises, hein, à notre époque, elles ont été vaincues à grands coups de mode, de publicité et d'industriels qui dessinent la femme aux jambes lisses et à la chevelure flamboyante parce qu'elle le vaut bien.
Il hoche la tête, obligé de reconnaître.
- Et les paysannes ? T'y as songé aux paysannes ? C'est pas elles qu'ont le temps de se raser, entre la traite du matin, la pâture du midi et le plumage du soir.
René. Le jour où il arrêtera de mater Jean-Pierre Pernaut pour regarder autour de lui, ça risque de lui faire bizarre. Ça existe plus les paysannes, je lui dis, les paysannes c'est du folklore. Maintenant on dit agricultrices, ou directrices d'exploitation. Et les directrices d'exploitation, hein, elles ont des trayeuses automatiques, et leurs bêtes elles restent parquées dans un hangar toute la journée à se marcher dessus. Alors forcément, elles ont le temps pour se papouiller du rasoir. Même qu'elles doivent sûrement porter des tailleurs, histoire de faire directrices, parce qu'elles le valent bien.
Il soupire le René, mais il est pas à court d'idées.
- Et les hommes ?
Il est comme ça René. Prêt à s'asseoir sur ses principes pour aider un pote. Mais là c'est moi qui soupire. Les poils oui, les hommes non. J'ai rien contre les homos, hein, 'tention, ils font ce qu'ils veulent tant qu'ils ne m'approchent pas. Non. Si les poils m'excitent, c'est pour le contraste qu'ils font avec le velours d'une peau, c'est pour leur odeur alléchante quand la demoiselle est trempée de désir, c'est pour leur frottement un peu râpeux sur mon gland, c'est pour leur soyeux lorsque mes doigts se perdent dedans. Sans la féminité qui va avec, ils valent pas tripette.
De toute façon l'obsession du zéro poil a aussi gagné les hommes. Finies les belles heures de la moquette, finie la virilité de la moustache. Paraît même qu'il y en a qui se rasent les roubignolles. Sans doute un truc à voir avec l'acceptation de leur part de féminité. T'as compris ça, t'as tout compris. Tu fais ressortir la femme qui est en toi, donc, forcément, elle fait comme toutes les femmes, elle se rase. Jusqu'au crâne. Au moins eux ils vont jusqu'au bout de la logique.
- Sinon, t'as vu que le cirque est en ville ? Si ça se trouve ils ont une femme à barbe.
Quand je te dis qu'il manque pas d'idées mon pote René. Même que des fois elles sont bonnes.
En effet, le cirque est en ville. The Mighty Samoan Circus ! Et ouais ! Le grand cirque des Samoa. Sur l'affiche ils précisent que les Samoa sont des îles du Pacifique. Moi qui croyait que le Pacifique c'était de l'eau, des kangourous et des écolos. Maintenant t'expliquer ce que fait en Bretagne le grand cirque des Samoa, là je sèche. Peut-être un rapport avec la mer, je sais pas.
Toujours est-il qu'il est en ville. Et qu'un vrai bon cirque ça a une femme à barbe.

Mon pantalon a perdu une taille quand elle m'a regardé.
T'imagines. Une grande femme à la peau caramélisée, des formes aussi rondes que son visage, à mille lieues des fils de fer sur les affiches, une longue chevelure aussi sombre que ses yeux. Et une barbe ! Une barbe !... Longue et fine, d'apparence soyeuse, elle la lisse d'une main nonchalante. Une barbe qui souligne ses pommettes gracieuses, une barbe qui fait ressortir ses lèvres pulpeuses, une barbe qui allonge son cou solide. Un délice exotique, une invitation au voyage, une madone des tropiques.
Je n'ai rien retenu du spectacle, à part son numéro de prestidigitation, frémissant alors qu'un robuste gaillard au profil de rugbyman prétendait la scier en deux. Le reste n'a été qu' extase et inquiétude. Comment conquérir une femme si belle, comment l'approcher, comment l'empêcher de repartir dans ses îles ? Ha ! Cette barbe ! Cette barbe ... Le velours de l'écrin où on pourrait ranger son adorable visage. Est-elle seule, dans l'attente de l'homme qui saurait reconnaître ses charmes, a-t-elle une histoire avec le magicien, ses bagues cachent-elles un anneau de mariage avec Monsieur Loyal ? Cette barbe ! Ma doué béniget, cette barbe ... et son sourire quand ses yeux croisent les miens ...
Je suis amoureux ! Et j'ai toujours rêvé de voyager au-delà de Rennes.

- Bon, d'accord, mais votre billet, je mets quelle destination ?

Ailleurs, un exercice d'écriture : proposer trois titres à l'organisation, bien mélanger, redistribuer trois titres aux participants, et tâcher de tirer au moins un texte de l'un d'eux (trois).
Étaient offerts L'interdit des interstices, Merci d'être velue, et un troisième sur le plaisir de l'art de la complexité du montage de meubles Ikéa.
Une idée qui tourne en tête sans direction, des images, des corrélations, puis l'accroche, premier pas vers un horizon défini, et la marche, de nuit, sans savoir où on met les pieds.

Illustration : Hairy Scary, par kiyahocks, sur DeviantArt
(20080928)

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