Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sour Lounge
17 octobre 2008

De l'interdit des interstices (part 1)

Francis n'est pas un briseur de ménages, ça non. Francis respecte la sainte institution du mariage, son côté enfant de chœur assidu à la catéchèse. Non, Francis n'est pas un briseur de ménage. Ce sont les femmes mariées qui ne peuvent se retenir de lui tomber dans les bras. Elles ne résistent pas à sa prestance d'élégant aux attentions délicates.
Avec le temps, Francis a développé une théorie. Une épouse heureuse ne trompera pas son mari, simple absence d'envie, ou de disponibilité d'esprit, allez savoir. En revanche, que cette union bénie soit fissurée par la routine, la trivialité du quotidien, ou simplement la compréhension que oui, maman avait raison, ce n'est pas un homme pour toi, et se présente une brèche en laquelle glisser le pied de biche de son charme.

Mais encore une fois, Francis n'est pas un briseur de ménages, non, non, non. Francis est un altruiste de passage, une bonne fée au masculin qui disparait sitôt rempli son bon office. Comprenez, cette entorse dans le contrat est essentielle à un couple vacillant, quelque chose comme un test salutaire. Si les individus sont faits l'un pour l'autre, le pied de biche élargira assez la brèche pour mieux la colmater d'un amour neuf et endurci par la culpabilité. S'ils ne sont pas, deux êtres méritant le bonheur trouveront l'opportunité de reprendre leur quête vitale sans perdre plus de temps.
Ne serait-il si humble que Francis réclamerait au moins de la gratitude pour cette œuvre d'intérêt public. Il se contente, dans sa grandeur d'âme, de songer, ému, à toutes ces femmes qui lui doivent, qui la liberté, qui le mariage. Oui, Francis a l'étoffe d'un héros des temps modernes, de justicier s'éclipsant sa tâche accomplie.

Bien sûr, comme tout véritable héros empreint d'abnégation, Francis est incompris de la plupart. Il a d'ailleurs cessé d'expliquer son rôle bienfaiteur. Il ne le rend que plus séduisant, et les épouses sauvées rechignent à le laisser reprendre sa mission une fois pris connaissance de son œuvre, quelque chose comme le syndrome de Stockholm inversé, ou comme un attrait irrésistible pour son sauveur. Ou comme une pulsion destructrice destinée à oublier la culpabilité ressentie soudainement face à la révélation d'un mariage à sauver. La reconnaissance n'est décidément plus ce qu'elle était.
Mais les pires restent définitivement les époux. À croire que ceux-ci ne veulent seulement faire l'effort de comprendre leur chance. La majorité témoigne d'un esprit possessif des plus affligeants, préférant s'outrager de songer leur moitié touchée par un autre au lieu de le louer de son sacrifice désintéressé. Et forcément, alors qu'il ne fait que mettre en exergue un besoin de madame qui se serait exprimé un jour ou l'autre, alors qu'il est le contre-feu des mariages au bord de l'incendie, les hommes blessés dans leur virilité ébranlée ne voient que le meilleur moyen de libérer leur contrariété en mettant les poings sur les ires. Quand on vous dit que la reconnaissance n'est plus ce qu'elle était.

pied_de_biche2

Aussi a-t-il pris soin, le temps et les hospitalisations aidant, de se fixer quelques règles impératives. La première est de ne jamais donner son nom. Un nom, soit, pour faciliter la communication, et accessoirement apaiser cette navrante suspicion qu'un homme taisant son nom puisse avoir de douteuses intentions. Mais pas son nom. Les déménagements lui auront coûté trop cher à ses débuts.
Seconde règle, s'assurer de la réalité d'un mariage menacé. Trop de fois il aura du expliquer à une jeune fille romantique que non, navré, il y a erreur, je ne souhaite pas faire ma vie avec toi. Alliance, connaissance de la vie, vagues scrupules, autant d'indices de nature à confirmer la réalité du sacrement. Au demeurant, cela évite les parents outrés, décidés à se mêler des affaires de leur enfant, si majeure soit-elle. Il n'est rien de plus sensible que des parents confrontés aux larmes de leur progéniture. Ni plus agressif qu'un père venant sonner à votre porte pour vous demander des comptes. Se rapporter à la première règle.
Troisième règle, ne pas confier la noblesse de sa mission, donc, y compris lorsque l'épouse promise à reconsidérer son engagement git comblée sur la couche, nimbée de sa nudité. Les femmes, à l'instar sans doute de leur mari, ont cette désagréable tendance à se montrer violentes quand il est fait état de leur fragile union, particulièrement quand elles se comprennent fautives. Et ces frêles créatures en quête perpétuelle d'un mâle fort sur l'épaule duquel s'appuyer deviennent de dangereux lanceurs de projectiles que leur tenue d'Ève ne retient pas. Non. Il convient, une fois la brèche béante et la belle riche de cette expérience propice à la remise en question, de disparaître sans un mot ni attendre de remerciement, gentleman au point de poser le panneau Ne Pas Déranger sur la poignée et de régler la nuit au concierge.
Règle numéro quatre, enfin, ne pas revoir une femme livrée à l'étude de sa vie. Jamais. Francis est un héros de l'ombre, solitaire jusque dans le soleil levant, il ne peut se permettre de s'attacher, son sacerdoce le lui interdit. Il fait don de lui, de son corps, le tout sans le moindre sentimentalisme déplacé.


(A Suivre)

Publicité
Commentaires
D
Perfide tentatrice ...<br /> Alors que je n'ai pas bu une téquila depuis ... ha non, pas tant que ça, d'ailleurs, j'ai stocké une bouteille chez Matthieu et Julie, pour quand je leur fais la cuisine.<br /> (c'est quoi jaliscien ?)<br /> Des bises copine. Et n'abuse pas des bonnes choses.
C
Passage eclair, le temps d'une lecture assidue et d'un petit bonjour d'ici....la bourgade en question est fort sympathique, mais un chouia ecrasee par le soleil jaliscien !<br /> A la tienne, amigo ;-)
Derniers commentaires
Publicité
Publicité