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Sour Lounge
11 mars 2008

De la vertu du dialogue (part2)

pregnancy_version_two_by_Klappspaten

Etrange comme parfois on réalise un manque en le comblant. Jusque là je m'en passais volontiers, appréciant ceux des amis tout en déplorant les voir ainsi yoyoter, prisonniers de leur nouveau petit animal, condamnés à l'élever du mieux possible, affolés parfois par l'ampleur de la tâche. Et d'un coup, je réalise à quel point ceci me manquait, à quel point j'attendais cet instant, à quel point je déguisais ce sentiment sous le cynisme.

Je vais être papa.

Mince, il me tarde d'y être. D'ailleurs, je me demande pour quand c'est. Tiens oui, depuis quand elle est enceinte ? Impossible de me baser sur ses règles, elles lui sont plutôt clémentes, et la vue du sang n'effrayant ni l'un ni l'autre, ne nous retiennent pas pour faire l'amour. J'y songe ! Je croyais qu'elle prenait la pillule. Encore une cachotterie d'importance. Combien d'autres ?

La douce chaleur vacille sous l'interrogation. De soudain songer que je ne suis peut-être pas le père la menace d'extinction. Puis elle repart de plus belle.

Je vais être papa.

Je n'ai aucune raison de douter de sa fidélité, ce n'est qu'une rancoeur résiduelle. Et quand bien même. Je me fous au plus haut point de transmettre mes gênes, mon sang. Tout ce qui importe c'est cette petite fille qui lui pousse dans le ventre. Ou ce petit garçon.

Je vais être papa.

Et puis elle a déjà voulu m'en parler. Entre deux portes. Un matin, quand j'étais en retard. Je ne supporte pas ça. Et une autre fois, encore haletante de nos acrobaties, lovée dans mes bras. J'ai du m'endormir. Une autre fois encore, je ne sais plus à quelle occasion. Et puis ses regards amoureux lorsqu'elle berçait la petite de ma meilleure amie, ses soupirs envieux en croisant une poussette, ses sourires inattendus en contemplant les mômes du jardin d'enfants.

Oui, elle m'a déjà fait passer le message un sacré nombre de fois, et moi, effrayé alors par l'idée, j'ai refusé de l'entendre, de la voir.

Merde. Non seulement elle me fait un bébé dans le dos, mais en plus je l'ai mérité.

Et à l'heure actuelle elle doit me haïr de toutes ses forces, se demandant quelle sotte idée lui est venue de vouloir mon enfant.

Merde, merde, merde.

Et je vais être papa.

Face à moi, les téquilas patientent, le soda s'éventant lentement, au point qu'elles ne pourront bientôt plus être frappées. En ai-je vraiment besoin.

Je les heurte et les avale l'une à la suite de l'autre. Oui. Vu mon comportement minable, je vais en avoir besoin pour ne pas me murer dans le silence et accepter son mépris.

Je profite que l'alcool n'ait encore fait son effet pour sauter dans ma voiture et rentrer en quatrième vitesse. Deux feux rouges grillés, crissements de pneus et klaxons.

Je vais être papa.

Le cactus se répand dans les veine juste à temps pour me donner le courage de passer la porte.

Elle est dans le canapé, un mug entre les mains, et fixe un point à ma droite, sourcils froncés, traits tirés.

Je dépose les viennoiseries sur la table en silence, sans oser croiser son regard.

Yeux et nez rouges. Elle a pleuré. Beaucoup. Je suis un sale con.

Je m'asseois enfin devant elle, pas fier. Dans son regard, la tristesse dispute à une colère glaciale le sentiment le plus vif. Elle ne bouge pas. Pas encore. Faut-il qu'elle m'aime pour me laisser une telle chance.

J'aimerais prendre sa main. Je sais que ce n'est pas ce qu'elle attend, alors je m'abstiens, un rien suffira à faire basculer notre couple. A la place, je coince les miennes entre mes genoux, et lui répond d'un air piteux.


- Je serai un homme heureux si tu veux la garder.


Son visage explose à ces mots, deux sphères de pur bonheur s'embrasent où étaient ses yeux, un sourire étincellant déchire ses joues, sa peau prend la teinte de son nez encore gouttant. D'un bond elle me saute dessus, le mug explose sur le carrelage, et riant autant que pleurant, elle me martèle de coups de poings, puis vient se blottir sur mes genoux. Je la serre contre moi, à la rompre, mes larmes se mêlent aux siennes.


- Je te déteste. Et je t'aime. Et je veux les garder.


Merde. Je vais être doublement papa ...

Illustration : pregnancy version two, par ~klappspaten, sur DeviantArt
070709

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Commentaires
D
Bon, je ne sais plus si on en avait discuté de vive voix, mais merci tout de même miss cazejo, et surtout heureux de ne t'avoir si effrayé avec la première lecture ...<br /> <br /> Noté, Max, l'idée des à suivre en hypertexte, mais super pas pratique de référencer un article non publié ...
M
Jai a-do-ré !<br /> Je ne sais pas poiurquoi j'ai mis si longtemps pour le lire<br /> J'ai eu peur des premiers mots, peut-être ! Un peu trop proche d'une de mes réalités sûrement ! Je préfère me lancer sans filet dans la lecture glauque d'un compte rendu d'illuminati (j'me comprends)<br /> et puis le temps de boire 3 tequilas ethop j'ai avalé le texte regrettant que les mots (A suivre) ne soit pas hypertextes pour aller plus vite vers la suite
C
Un régal de découvrir un texte à mon sens un peu plus léger. Tu maitrises un peu tout les style dis moi! J'aime toujours autant la façon dont tu plantes le décor, mon imagination n'en perd aucun détail et arrive à en ressortir des scènes bien précises: quelle déconnexion!
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