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Sour Lounge
26 mars 2008

De la juste contention du hurlement

(Exercice d'écriture sur le thème Le Biberon, avec pour contraintes l'emploi des mots chèvre, chenu, chemin, cheville, pour le forum Ogame)

Oh_Baby_by_jacknash

Son chiard le rend chèvre. Pas au sens propre, bien sûr, il n'a jamais compris le rapport entre monsieur Seguin et l'envie irréelle de farcir du gigot gigotant et geignard, mais simplement le sens figuré le ferait brouter la moquette si cela suffisait à faire taire l'informe braillard.

Ho évidemment on l'a prévenu, c'est bruyant ces choses là. Pourtant, dénicher une jeune et jolie mère célibataire que son grand âge dissuade moins que jouir de sa petite retraite agricole a bien aidé à le décider, au point que l'idée de la marier en cloque paraisse bien minime.

Tout de même. Quelque chose lui laisse à penser qu'un petit français bien de son sang aurait fait moins de manière à cette heure avancée de la nuit que le lardon est-post-soviet gagné en bonus. Chierie d'internet !

Ajoutez que ladite mère court le guilledou, pas folle la guêpe, en lui laissant sa petite musique de nuit, et vous saisirez comme la grande, de musique, s'en prend un revers entre les notes.



Couche ? Changée, simplement pour la conscience, il lui aura épargné l'arme chimique ; la sirène résonne toujours. Biberon ? Vidé, roté, vomi, en autant de temps qu'il faut pour le dire ; pause borborygmes. Berceuse ? La jument de Michot, la blanche hermine et les prisons de Nantes ne doivent pas parler à ce qui fut conçu de l'autre côté du chemin des dames ; pas assez révolutionnaire.

Alors on berce, le lit est fait pour, dans l'espoir que tanguer façon grosse mer assomme assez la corne de brume pour la noyer dans ce foutu sommeil. L'espoir fait vivre à défaut de résoudre le problème.



Au début il a pris ce genre de manière avec philosophie. Quand on est un tube digestif, pas facile de faire savoir ce qu'on attend du monde, normal que ça couine.

Fin de la première semaine, il a déchiré son oreiller, rageur. Fin de la troisième, les instants de silence étaient meublés d'un bourdonnement irritant qui lui a fait songer que boum, ça y est, surdité galopante, assez pour ne rien entendre du quotidien, pas assez pour s'exiler loin du hurlement systématique. A la sixième, elle lui a expliqué que si tu vouloir moi, tu vouloir bébé moi. C'est con les bonnes femmes, il avait dégoté un orphelinat à quelques encablures.

Faut dire que l'ex-douce électronique s'est vite mise en cheville avec le klaxon pour lui taquiner les nerfs. Genre course de relai. Quand la progéniture reprend son souffle, la bougresse donne dans le mélodrame suraigu. Tu pas aimer enfant moi. Tu préférer vaches. Tu pas comprendre moi besoin vivre ville. Moi pas quitter pays pour enfermer fils moi pareil. A se demander si le mariage n'était pas un peu précipité.



Hoquet de sursis, inspiration, et c'est reparti de plus belle. Dingue ce que ça peut avoir comme poumons avec cette taille.

Un petit tour dehors, histoire de se dégourdir les gambettes jusqu'au saule chenu tant que pleureur, pas de raison d'être le seul à déguster. Et puis qui sait, avec ce froid il chopera bien une extinction de voix. Du moins si le compère adoptif n'hérite pas d'une pneumonie avant. Saloperie ! Même les éléments sont dans l'équipe des visiteurs.

Encore heureux que ça pèse moins que ça ne fait de bruit. Sitôt rentré, il attrape la bouteille de gnôle planquée au fond du placard et s'en verse une bonne lichette à même la cafetière. Quitte à ne pas dormir ... Un coup de casserole sur le réchaud, que les deux stimulants se lient bien, et on coupe avant ébullition, café bouillu, café foutu.

Ca brûle les lèvres, ça brûle la langue, ça brûle le gosier, ça brûle l'œsophage, ça brûle l'estomac, et à peine ça se calme que l'alcool se réveille et passe la seconde couche. Un bien doux enfer en regard des grandes orgues.



Le souvenir l'assaille à la seconde lampée, alors que ses yeux mouillent. D'accord le pépé y allait au gros rouge, mais on dit qu'ils ont ça dans le sang par là-bas. Et puis au point où on en est.

Opération délicate, le col est étroit, il en met une sacrée dose à côté. Un coup de lait de la roussette. Agitez, goûtez pour la température, enfournez.





***





Lorsque Deirdre revient, à peine avant le lever du soleil, elle est déjà prête à affronter le vieux et ses récriminations.

Et puis elle les voit, le petit dans les bras du grand, en travers du canapé élimé. Elle monte prendre une couverture, la dépose doucement sur eux et se prend à sourire.

Pour la première fois, elle a le sentiment que son fils a trouvé son père. Sans doute les ronflements sonores qu'ils partagent.


Illustration : Oh Baby, par ~jacknash, sur DeviantArt
071209

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Commentaires
D
Haha ! A ton service ma belle. J'espère simplement que tu ne t'es pas brûlée au passage, je m'en voudrais. Ceci étant je m'interroge consécutivement sur l'intérêt de l'image en tête de texte. Introduit-elle le texte, en prédisposant le lecteur à un certain angle, ou ne fait-elle qu'illustrer ? Altère-t'elle la lecture assez ou lui donne-t'elle un volume. J'avoue n'être encore trop fixé ... Un bisou tout de même, tant pis pour le retard.<br /> <br /> <br /> <br /> En même temps, compère (à ne pas confondre avec con de père, Lina n'a pas encore accouché), je te trouve assez bon public avec toi même pour que rire de ton rire ne soit pas plus étonnant que ça ...
M
en v'la de l'histoire bien de chez nous !<br /> Mais comment oser rire de la désertification des campagnes et je dirai même plus de la désertification des compagnes des campagnes !<br /> <br /> <br /> J'ai beaucoup aimé rire à la lecture de ton texte !<br /> c'est un bon début
N
Tu sais que j'en ai renverser mon cofé!! j'en rigole encore .. car l'amorce de la photo donne une profondeur divinement sarcastique ou cynique du drame que je n'avais perçu à la premiere approche du texte sans l'image. Ahhhh zadorrre vaciller dans l'absurdité tranchante et moqueuse de la realité. <br /> Me voilà donc une fois de plus confirmer visuelle hihi<br /> bravissimo et merci pour ce rire matinal
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