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Sour Lounge
11 septembre 2009

Le goût des adieux 7/9

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<p>Son cœur s’est arrêté de battre un beau matin, ou peut-être une</p>

Ce n’est pas pour autant que mes accès mortifères se dissipèrent, loin s’en faut. Il aura simplement fallu trouver une autre voie pour les exprimer. Comme il aura fallu trouver une autre voie pour réprimer la passion que continuait m’inspirer Aurélie.

Le bac obtenu, je dus tempêter pour obtenir de poursuivre mes études en Métropole et partant, tenter m’émanciper du joug parental, pour ne pas dire maternel. Finalement, le choix de la bonne filière, encore inexistante sur le Territoire, aura eu raison des inquiétudes les plus aviaires.
Pour compenser, il fut convenu que mes parents retourneraient eux aussi en Métropole ... On n’entaille pas comme ça le cordon ombilical, déjà légué ou non.
Heureusement, Maman fut terrifiée par les conditions de vie là-bas, durant mon accompagnement, et elle rentra aussi sec, sitôt trouvé à me loger, ayant abandonné tout projet de déménagement. Le soulagement fut à la hauteur de l’inquiétude.

Les jeux de rôle pouvaient enfin m’occuper à loisir, il n’y avait plus au dessus de ma tête l’angoisse matriarcale des suicides de joueurs pour me dissuader.
Ce devint donc le principal exutoire à mes préoccupations romantiques. Armes, animaux de compagnie, défuntes amantes, tous supports étaient bons à devenir des incarnations d’Aurélie, devenue pour l’occasion Orely. De la sorte, je palliais à son absence en organisant son omniprésence.
Comme bien des amateurs, j’allai jusqu’à créer un univers, le voulant le plus original possible. Orely devint une épée toute puissante – ce n’est pas alors que je voyais la référence phallique, actrice alors que j’étais un seigneur aux tous pouvoirs enfermé dans la glace. L’imagination n’a décidément guère de réalité.
Comme de bien entendu, je concoctai une première aventure à faire vivre à mes joueurs.

Une séance ne suffit pas, il en aurait nécessité bien d’autres pour commencer à effleurer le cœur des manipulations à l’œuvre. Je me contentai de raconter le scénario à une des joueuses, passionnée de son personnage, donc un peu de l’univers quand même.
C’est elle qui me poussa à écrire ce que je lui racontais.
Donc je tombai amoureux, tentai lui avouer ma flamme dans une missive aussi fleuve que j’étais ivre-mort, et faute de mieux, me mis à la rédaction de cet ambitieux ouvrage de Science Fiction.

Il avorta au bout de quelques chapitres. L’histoire se diluait déjà et d’autres préoccupations m’occupaient.
Néanmoins, le goût de l’écriture était là. Et d’une certaine manière, il n’était que le prolongement de ma passion pour les testaments.

Je me mis à écrire une nouvelle à l’occasion d’un concours, fortement poussé par la joueuse amatrice de mes mots.
Il y était question de suicide, de romantisme, et … d’Orely.
Faute de pouvoir les vivre, mes deux préoccupations qu’étaient la mort et Aurélie se trouvaient enfin enlacées sous mes mots en une sorte de testament instantané.

S’ensuivirent un certain nombre de nouvelles, invariablement calquées sur ces thématiques, de près ou de loin, alimentées par mon incapacité à approcher d’autres filles, autrement du moins que par de chastes sentiments et de courtoises distances.
A force de louanges, j’en arrivais à croire en quelque talent, nourri par la poésie de Thiéfaine.
Et progressivement, je parvins à me persuader avoir fait le deuil d’Aurélie. Loin des yeux …

Aussi m’attachai-je à quelque chose de plus ambitieux, quelque chose avec un message, des sens cachés, une revendication, quelque chose de grand, de fort, de brillant. Quelque chose qui soit digne d’un écrivain en somme.
Un ami littéraire coupa mes ailes en plein vol en me livrant la critique froide et sans concession du premier paragraphe. Je ne serais pas écrivain.
Une amie m’avait dit un jour que j’arrêterais d’écrire le jour où je serais heureux. Elle se trompait manifestement. Mais sans doute était-ce elle qu’elle essayait de convaincre.


Illustration : Writing Stories Again, par nelleke, sur DeviantArt

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