De la sanguinolence de la viande
Je vous présentais récemment Robin de l'île, sa finesse, sa légèreté, sa poésie, fleuron à mon sens du portail Lapin. Que ceux qui se sont sentis conquis clôturent leur cession, nous opérons aujourd'hui un virage à cent quatre vingt degré pour sombrer dans l'humour de mauvais goût et les personnages abjects.
le bruit inimitable du melon qui explose
Scénarisé et dessiné par Max Cannon, Red Meat sévi sur le Net depuis juin 1996 dans son anglophone version originale. Pour le Portail Lapin c'est Phiip qui prend en charge la traduction de ce qu'il définit comme le strip possédant les titres les plus compliqués à traduire. Aussi apprécierez-vous avec moi la présentation qu'il en fait, d'une justesse ... effrayante :
"Red meat, un univers gore couleur sang qui dévoile ses longues jambes ensanglantées, ses cadavres d'idées reçues, son massacre du politiquement correct à grosses touches d'humour noir : avec Ted le père de famille exemplaire, Earl le psycho aux gros yeux globuleux, Dan le Laitier sadique et les autres."
Ca laisse rêveur, n'est-il pas ? Mais apportons quelques menues précisions.
Ainsi,
s'il est abondamment question d'hémoglobine et autres substances
corporelles, il est rare d'en voir apparaître dans les vignettes, pour
la simple et bonne raison que l'essentiel de l'humour tient à ces
dialogues absurdes entre des personnages psychotiques.
En effet, la mise en scène est des plus épurées. Un voire deux personnages, figés à travers les trois cases composant chaque vignette, au mieux animés d'un vague rictus ou d'une discrète inflexion de sourcil, discutent ou confient au lecteur leur sombres pulsions. J'insiste sur le statisme des personnages, le côté faussement copier-coller accentue dramatiquement l'impact des dialogues, parfois même par la présence de cases muettes, précédant la chute ou faisant office de chute.
Enfin, le trait particulièrement classique, très "américain", renforce encore le décalage entre ces personnages somme toute assez sobre (du moins la plupart) et la teneur extrême de leurs propos, et nous renvoie par la même occasion aux archétypes de la ville de province ou de la banlieue résidentielle (le laitier, le bon voisinage, le pasteur, la tête de turc), la férocité crue en sus.
Je ne vous cache pas que cet étalage d'humour a quelque chose de fortement dépressif, mais que voulez-vous, ces histoires de caricatures mahométanes n'amènent-elles pas à penser qu'il est plus que jamais urgent de rire de tout et de quelque manière que ce soit ?
Florilège