De l'exaltation de la langue
Je désespérais trouver nouvelle prose à
vous servir, ne tournant finalement qu'autour de journaux personnels,
probablement plaisamment rédigés, mais sans cette richesse de fond dont
vous vous dîtes, tiens ici on réfléchit, et je songeais avec un vague
agacement me résoudre à ne publier que de l'image, photo ou
illustration, commentée ou non, lorsqu'un étrange échange attira mon
attention.
terrain vague
Certains
fournisseurs d'accès ont la discourtoisie de limiter les commentaires à
leurs membres, option certes laissée à l'appréciation du créateur de
blog, mais dont la simple existence me semble autant relever d'une
forme de cloisonnement en un espace où la communication se targue de
prévaloir, que d'un raccolage mal déguisé pour alimenter les cohortes
d'une même maison.
De tomber sur les mots d'Augustin,
me toucha tant, je l'ai déjà narré, que ne laisser aucun commentaire,
et passer mon chemin dédaigneusement aurait non seulement cautionné la
ghettoïsation des brebis égarées hors le troupeau (il voudra bien me
pardonner cette image dont l'artificialité n'est là que pour servir mon
propos), mais également été à l'encontre de mon attirance pour toute
forme de douleur ou de beauté.
Je signai donc, à une époque où
je n'envisageai encore pas succomber à la frénésie du medium, comme
l'on hérite d'un espace en s'inscrivant sur la plus connue des
messagerie instantanée (dont je tairai obstinément le nom), espace
promis à l'abandon puisque simple accessoire du propos initial, un
terrain en friche au milieu de la Toile, existant pourtant.
Je
pus commenter les mots d'Augustin, et par cette merveilleuse
fonctionnalité de rétention des profils, l'accès aux autres blogs de ce
fournisseurs m'est depuis grand ouvert sans plus que je ne songe à cette
terre offerte à titre d'adhésion, tel un seigneur errant loin de son
domaine.
promotion notoire
Confrontant
nos opinions, innovations et initiatives, faisant de la sorte déborder
le virtuel sur notre réalité, nous échangeâmes la partie masculine de Gwangélinaël
et moi-même autour de la fréquentation des blogs, laquelle selon lui se
devait d'être alimentée en créant des passerelles vers d'autres points
encore déconnectés afin d'attiser la curiosité, ce qui techniquement
parlant revenait à laisser des commentaires avec l'adresse de la page.
Quelque
peu sceptique quant à la quête absolue de la notoriété, je refusai
longtemps cette pratique, par trop artificielle, et fort de cette
volonté, une seule fois (et en vain) bafouée à ce jour, de ne donner
l'adresse des céans à personne, pour laisser chacun entièrement
responsable de sa présence en mes murs, je me confortai dans une
prétendue modestie très à même de satisfaire mes illusions.
Pourtant
les synergies observées des suite de l'application massive de cette
doctrine par l'ami précité me donnèrent à penser que sa théorie était
juste dans ses fondements, nonobstant un certain lobbying accharné,
voire un prosélytisme forcené, et qu'à défaut d'être obligatoirement
apprécié, il était visité.
Paradoxalement, de renseigner la case site
de l'en-tête du commentateur, me libéra d'un certain complexe à l'idée
de laisser des paroles stupides ou importunes auprès d'inconnus d'une
science de l'écriture autrement plus fine et subtile que la mienne ou d'une maturité plus réellement adulte que la mienne,
comme si les céans étaient ma caution, la lettre d'introduction
m'autorisant en membre de la confrérie à m'exprimer chez les autres.
assauts de courtoisies
Dans
la même période, l'opportunité de commenter du censé ou du beau, me fut
largement donnée, à croire qu'en message neuropsychique d'amplitude
mondiale mes réflexions en la matière avait influencé la blogosphère
afin qu'elle produise un excédent de qualité soudain, et je ne me
privai pas de forger quelques phrases à titre de remerciement.
Les
retours obtenus à mes retours furent, les fois où il y en avait, un
réconfort exceptionnel pour l'ego, ce sentiment d'être entendu, donc
reçu dans cette grande et belle famille de la blogosphère, où le soleil
brille et les oiseaux chantent, et un passage inopiné par les
statistiques acheva de me convaincre de la nécessité d'aller se faire
connaître chez les autres.
Poussant la démarche dans ses dernières extrémités avant d'aborder le matraquage intensif et le terrorisme commentatoire (je l'avoue, les néologismes en -oire me paraissent dotés d'une absolue solennité), je retrouvai le chemin du domaine précédemment alloué comme prix de mon adhésion, sur lequel je ne pouvais diffuser l'adresse de mon refuge qu'en rédigeant une note et en ajoutant un lien.
Ce faisant je m'attardais quelque peu, observant avec surprise d'anciennes empreintes inscrites dans les mémoires de silicium, témoignages manifeste d'un lointain passage, y répondis, revins par acquis de conscience, notai de nouveaux commentaires auxquels je répondis encore, jusqu'à ce que l'improbable concentré de non-sens généré atteigne le point d'incompréhension, sans que je sache encore à quel point j'ai pu froisser mon dernier interlocuteur.
Sir Dystic D'Arcy
J'avais déjà moult fois croisé ce pseudonyme aux accents aristocrates dans mes déambulations sur cet encore-lui fournisseur de blog, et pressentai confusément que le chevalier était membre de l'élite (oui ce fameux fournisseur sur lequel je m'acharne définit une hiérarchie que j'imagine basée sur la fréquentation ou le nombre de satisfecit reçus), le visitant donc brièvement pour m'en retourner chercher des perles plus anonymes.
Il était cependant maintenant question de courtoisie, j'avais eu droit à une visite, quelles qu'en soient les circonstances, accompagnée de commentaires, quel qu'en soit le sens, et la politesse exigeait de lui rendre la pareille, curieux surtout de prendre le poul du garçon avec qui je négligeais l'hospitalité.
La première note, quelque peu dissuasive à mon sens, fut vite passée, mais la connexion avec la suivante/précédente par un jeu de contraste peut-être involontaire entre une photo pulp et un texte rédigé en argot parisien de 1900, doublé du rapprochement à l'art populaire, est éblouissante, je ne crois guère exagérer, et l'échange en instantané et en argot dans les commentaires est le garant incontestable de l'originalité du texte.
Je ne saurais rendre justice à ces phrases en les séparant de leurs consoeurs, pourtant des impératifs organisationnels et structurels m'imposent un quatrième paragraphe, bref de surcroît, et je me contenterai pour vous captiver de mentionner ceci : "J'vois qu'Milord n'a pas besoin d'être affranchi, manque pas d'atout pour v'nir battre comtois, l'est pas un balochard du bec. Et y bafouille pas en plus, y pourra y r'v'nir pour baguenauder ! Je lève la boîte à cornes pour l'occaze !"
maison fondée en 2003
Si effectivement D'Arcy peut prétendre fair partie des anciens, de ceux qui n'ont pas attendu que les médias se saisissent du sujet pour entreprendre le vecteur-blog, en user et le défendre, on ne peut que reconnaître la chirurgie de son encre et la rigueur de son exercice.
L'esprit rock 'n roll, il décrira avec force détail tel groupe de punk initiateur du mouvement, après avoir exprimé la colère, glacée comme la lame d'un cutter, après encore avoir répondu à un questionnaire alambiqué ou abordé une question philosophique, mes favoris à cette heure restant les aphorismes parsemés nonchalament au gré des pages et des mois.
Pas un seul instant il ne se départit de cette précision stricte dans le raisonnement, la narration ou le vocabulaire employé, au point qu'on en perçoit parfois le difficile travail de cisellement, un amoureux de la langue française en somme, s'appliquant à la magnifier en retour pour nous la mieux faire apprécier.
Vous conviendrez que je ne pouvais réfréner mes élans vocabularistes (en -iste aussi, mais moins) et mes circonvolutions circonstancielles ou subjonctives après m'être gorgé de semblable nectar, aussi voudront me pardonner les plus occupés d'entre vous de vous avoir dissuadés d'arriver jusqu'à ces excuses, ce que ne manqueront pas de leur transmettre les plus assidus.
Florilège
En exergue du titre: "My heart is
black, and my lips are cold. Cities on flame with rock and roll…/Mon
coeur est noir, et mes lèvres sont froides. Cités en flammes et rock
& roll ...
Three thousand guitars they seem to cry. My ears will
melt, and then my eyes…/Trois milles guitares semblent pleurer.
Mes oreilles fondront, ensuite mes yeux ..." Blue Öyster Cult (Cities on flame)
"...vient de me donner le relais pour un test tout à fait superflu (pléonasme) parce qu'elle aime ça et moi aussi.
En
effet les questions sont un peu osées puisqu'elles nous placent dans la
possibilité d'être le centre d'intérêt d'artistes de notre choix, ce
qui est pour le moins improbable. En effet, si j'avais une existence
tout à fait exceptionnelle, en tout cas au moins très intéressante pour
être filmée je n'écrirais pas un blog mais un livre autobiographique…
Cela dit toutes les existences sont suffisamment singulières pour être
racontées…
Je me suis donc prêté de bon cœur à cet exercice étonnant (et difficile parce que surréaliste justement.)"
"
Séducteur…
… c'est réducteur ?
Ou c'est serré du cœur ?"
"Éloge de l'egotisme
Et au septième jour, D'Arcy compta ses bonbons et il vit que cela était bon."
"Un rêve stupide
Je
ne suis pas comme vous, je ne suis pas comme vous, je ne suis pas comme
vous… J'ai senti tellement de choses jusqu'à présent… Gardé l'être
étrange près de moi, je sens son souffle sur mon épaule. Sa chevelure
de poussière, sa bouche mascara à travers le verre avide de mes lèvres.
J'ai respiré son opium, le souffle du dragon au parfum de cristal. J'ai
exploré ma chair jusqu'à me transpercer, les membres sanguinolents dans
une baignoire amère pour retrouver l'elixir solaire de son sang
pailleté. J'ai creusé ma terre, me suis arraché les ongles, les os, les
veines… Et toujours sa bouche à l'encre noire dans ce puits solitaire,
reflets de pourpre, salive cerise. À se tordre. Et parfois je regarde à
travers la vitre et je vois ses ailes, ses immenses ailes. Juste
au-dessus de l'horizon. Elles contiennent le soleil, vous savez. Elles
l'empêchent d'arriver jusqu'à moi. Elle m'empêchent d'écouter les
autres, je suis comme un soleil de poche. Je ressens juste un peu de
chaleur sur ma peau, juste une tête d'épingle, une morsure d'insecte,
un peu de bonheur, un point au cœur… Et le monde de continuer de
tourner. Haut, si haut. Et moi qui ne suit pas comme vous.
Je hais les miroirs."