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Sour Lounge
11 septembre 2008

Neil Gaiman : American Gods

Neil Gaiman, un de mes auteurs fétiches, connu sans le savoir depuis l'adolescence, reconnu par les merveilleux comics que sont le Sandman ou Death, redécouvert en tant qu'écrivain avec American Gods, puis tous les autres.

American Gods, ou une fable ... comment disent-ils ?... oui, de fantasy urbaine, la peinture de notre monde, de notre époque, sur lesquels, par petites touches insensibles, la magie, l'absurde, l'irréel viennent se superposer. Le titre ici est évocateur, les dieux américains, les natifs, ceux importés par les vagues de colonisation du vieux continent ou les nouveaux, forgés sur les artifices de notre époque. Parce que tant que les hommes croiront, parce que depuis que les hommes croient, ils sont parmi nous, compagnons ou ennemis, aides ou tentateurs, puissants lorsque nombre les révère, ou presqu'inexistant lorsqu'ils sont oubliés.

Le ton anglais, ironique, pince-sans-rire, appliqué, rigoureux, offert à la démesure d'une drôle de fresque débridée, à laquelle on ne peut guère reprocher qu'une fin un peu ... prévisible.

Puis avouez que présenter cette vision de l'Amérique, par un anglais pur jus, le 11 septembre ...


Lesser_gods_by_ani_r



[A propos des nouveaux dieux :]

Dis-lui bien qu'on a reprogrammé cette réalité de merde. Que le langage est un virus, que la religion est un système d'exploitation et que les prières ne sont rien d'autre que du spam à la con !



[A propos du traitement des défunts :]

La plupart des branches du merchandising humain exigent des marques connues à l'échelon national.
[...]
Je crois que ça vient du fait que les gens aiment savoir à quoi s'attendre. D'où McDonald's, Wal-Mart, F.W. Woolworth (bénie soit sa mémoire) : des marques répandues dans tout le pays. Où que vous soyez, vous obtiendrez le même chose, avec de minuscules variantes régionales.
En matière de pompes funèbres, c'est fatalement différent. Le client désire un service personnel et convivial, assuré par une personne motivée qui accordera beaucoup d'attention au cher disparu et à ses proches en cette heure d'affliction. Il désire la certitude que son chagrin existe à un niveau local, pas national. Mais dans toutes les branches de l'industrie - et la mort est une industrie, mon jeune ami, ne vous y trompez pas -, on gagne de l'argent en achetant en gros, en centralisant les opérations. Ca n'a rien d'admirable mais c'est un fait. Le problème, c'est que nul n'a envie d'imaginer ses chers disparus emportés en wagon frigorifique jusqu'à un vieil entrepôt reconverti où attendent déjà cinquante ou cent cadavres en partance. Non, monsieur. La clientèle préfère une entreprise familiale, où il sera traité avec respect par quelqu'un qui ôterait son chapeau pour le saluer s'il le croisait dans la rue.



[A propos de l'Amérique :]

Ce n'est pas un pays pour les dieux [...] ce pays a été rapporté des profondeurs de l'océan par un plongeur. Il a été tissé par une araignée à partir de sa propre substance. Il a été déféqué par un corbeau. C'est le corps d'un père tombé dont les os sont des montagnes et les yeux des lacs.
C'est un pays de rêves et de feu.



[A propos des totems indiens :]

Ecoute. Au commencement était Renard, et Loup était son frère. Renard dit : les gens seront immortels ; s'ils meurent, ce ne sera pas pour longtemps. Loup dit : non, les gens mourront, comme tout ce qui vit doit mourir, sinon ils se multiplieront au point de recouvrir le monde, ils mangeront tous les saumons, tous les caribous, tous les bisons, ils mangeront toutes les courges et tout le maïs. Or, un jour, Loup mourut. Il enjoignit à Renard : vite, ramène-moi à la vie. Mais Renard répondit : non, les morts doivent rester morts, tu m'as convaincu. il pleura en le disant, mais il le dit tout de même, et ce fut définitif. Loup règne à présent sur le monde des morts, et Renard, qui vit toujours sous le soleil et la lune, continue de pleurer son frère.



[A propos du crédible, de l'incrédible, et de la position de chacun sur la question :]

Je peux croire des choses vraies et des choses fausses, et même des choses dont personne ne sait si elles sont vraies ou fausses. Je crois au Père Noël, au lapin de Pâques, à Marylin Monroe, aux Beatles, à Elvis Presley et à M. Ed, le cheval parlant. Ecoutes-moi bien : je crois que les gens peuvent s'améliorer, que la connaissance est infinie, que le monde est dirigé par des cartels de banques secrets et régulièrement visité par des extraterrestres - des gentils qui ressemblent à des petits lémuriens ridés et des méchants qui mutilent le bétail et convoitent notre eau ou nos femmes. Je crois que les lendemains chantent et aussi qu'ils déchantent, je crois qu'un de ces jours, la Femme-Bison Blanc va revenir nous botter le cul. Je crois que tous les hommes ne sont que de petits garçons montés en graine avec de profonds problèmes de communication, que le déclin de la sexualité en Amérique coïncide avec le déclin des drive-in dans la plupart des Etats. Je crois que tous les politiciens sont des escrocs sans scrupule mais qu'ils sont préférables à l'alternative. Je crois qu'au moment de la grosse catastrophe, la Californie coulera dans l'océan, alors que la Floride se dissoudra juste dans la folie, les alligators et les déchets toxiques. Je crois que le savon antibactérien diminue notre résistance à la poussière et à la maladie, si bien qu'un de ces jours, on sera tous décimés par un mauvais rhume, comme les Martiens de la Guerre des mondes. Je crois que les plus grands poètes du siècle dernier étaient Edith Sitwell et Don Marquis, que le jade est du sperme de dragon séché, et qu'il y a des milliers d'années, dans une vie précédente, j'étais une chamane manchote en Sibérie. Je crois que le destin de l'humanité est dans les étoiles. Je crois que les bonbons étaient réellement meilleurs quand j'étais petite, qu'il est scientifiquement impossible à une abeille de voler, que la lumière est à la fois une onde et une particule, qu'il y a quelque part, dans une boîte, un chat à la fois mort et vivant (quoique si on n'ouvre jamais la boîte pour le nourrir, il finira par être mort de deux manières différentes), et que l'univers contient des étoiles qui existaient plusieurs milliards d'années avant lui. Je crois en un dieu personnel qui s'occupe de moi, s'inquiète pour moi et supervise tout ce que je fais. Je crois en un dieu impersonnel qui a mis l'univers en branle avant de partir faire la foire avec ses copines, et qui ne sait même pas que j'existe. Je crois en un univers de chaos causal, de bruits de fond et de chance aveugle - vide, sans dieu. Je crois que ceux qui disent le sexe surfait n'ont jamais fait l'amour correctement. Je crois que quiconque prétend détenir la vérité est aussi capable de petits mensonges. Je crois en une honnêteté absolue et en de raisonnables mensonges sociaux. Je crois que la femme a le droit de choisir, que le bébé a le droit de vivre, que malgré le caractère sacré de la vie humaine, il n'y a pas à redire à la peine de mort, pour peu qu'on puisse faire une confiance totale au système judiciaire, et que seul un idiot congénital ferait confiance au système. Je crois que la vie est un jeu, que c'est une mauvaise blague et que c'est ce qu'on connaît quand on est vivant. Que tant qu'à faire, autant en profiter pleinement.



[A propos de la réalité des dieux :]

Les dieux sont extraordinaires, articula Atsula, comme si elle avait révélé un grand secret, mais le cœur l'est encore plus. Car c'est de nos cœurs qu'ils viennent et c'est à nos cœurs qu'ils retourneront.





Illustration : Lesser Gods, par ani-r, sur DeviantArt

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