Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sour Lounge
25 avril 2008

De la machine à remonter le temps

time_by_dibbi

Tiédeur moite et jasmin,
Chants d'oiseaux,
Nuit mourrante.
Goût âcre sur la langue.

La lumière vainc les ombres,
Résolutions vacillent,
Heure propice aux faiblesses,
Il succombe à l'envie.
L'occasion est trop rare pour la laisser passer,
Et qu'importe le risque,
Il donnera volume.

Face à lui la console,
Dans sa gangue de plastique,
N'attend plus que sa main pour lever le capot.
Il diffère le moment,
Un soupçon de fierté,
Il attise le désir,
Le temps sera compté.

Les nuages sont un mur,
Bandeau sombre et étroit surplombant l'horizon,
Frontière ombre et lumière.
L'eau miroir se reflète en trainées orangées,
Coquetterie prélude pour naissance entre flots.

Il écrase un mégot aux senteurs mentholées,
Se permet un soupir accents réprobation,
Et arque sa colonne pour accéder au sol,
En tailleur sur coussin face à la table opium.

À l'abri d'une colline,
L'astre achève la pénombre en pointant son museau par dessus glace argent.
Une dernière lueur fait de la résistance sur le velours passé de l'agonie nocturne.

Ses longs doigts sont caresses sur le plastique ébène,
Suaves préliminaires après la longue absence.
Puis son pouce fait déclic,
L'écran est relevé,
Crépite d'excitation et s'éclaire et soupire.

Derrière lui la fatigue menaçant longue veille s'enfuit à tire d'ailes sous les coups de l'aurore.
Nouveau souffle,
Phénix,
Un jour neuf,
Un homme neuf,
Résolutions trahies et amours exhumées.

Connexion pacemaker,
Compte à rebours vital,
Interface neuronale,
Communion de métal.
Sa vie tient à un câble tendu entre deux mondes,
Une course pieds nus sur un fil de rasoir.

Le jais se fait pervenche,
Les murailles s'étiolent,
Emeraudes et rubis s'embrasent sous projecteur.
Un vent frais vient du large,
Parfums d'iode et ressac,
L'humidité s'estompe,
Il frissonne,
Transition.

Les électrons inondent ses neurotransmetteurs sitôt sont déployés les fils de la Toile,
Et il plonge,
Ebloui,
A travers la silice,
Saute entre satellites,
Court à coeur fibre optique.

Le temps est à rebours,
Une poignée de minutes,
Sablier virtuel sur battements de coeur.
Il ne peut qu'une passe entre temps et espace,
Sa batterie interne ne tiendra très longtemps.

Dans le premier instant,
Il contemple algorithmes et circonvolutions du réseau de lumière,
Gaspillage précieux,
Retrouver sensations,
Reprendre ses repères,
Gouter la perception.

Dans le second instant,
Il incarne son âme dans la gangue torturée d'un chacal aux traits durs,
Antidieu des sépulcres,
Hybride cybernétique,
Image confidentielle pour occasions uniques.

Au troisième mouvement,
Il repère la structure où apposa son verbe par-delà les fuseaux.
Elle bruisse d'activité,
Des silhouettes s'agitent,
Heure de pointe,
Rendez-vous d'une fin de journée.

Au quatrième mouvement,
Il distingue les alcôves,
Les tribus qui les hantent et les électrons libres.
Stratèges et victimes,
Graphistes,
Orateurs,
Joueurs et papoteurs,
Rédacteurs et poètes.

Au cinquième moment,
Reconnaît des présents,
Gardiens,
Fidèles,
Anciens,
Dames et seigneurs aimés.
La belle chante les victoires,
L'homme en plus polémique,
La rêvée maintient l'ordre,
L'animal joue du mot.

Au sixième moment,
Les battements trébuchent,
Un avertissement de la réalité,
Tant à voir en si peu,
Charger banques de mémoires,
Effleurer âmes fugaces et saluts éphémères.

Au septième martèlement,
Fait naître de griffes et crocs arabesques sensibles,
Paysages terre lointaine,
Fragrances de fleurs fraîches,
Caresses de lèvres tendres,
Rires d'enfant insouciant et saveurs madeleine.

Puis la douleur jaillit,
Irradiant corps esprit,
Signale point non retour de ses vrilles acérées.
Il s'éjecte en urgence,
Echappe à la machine,
Il a encore à vivre avant fusion métal.

Le soleil brûle sa peau,
Il a passé les crêtes,
Chassant l'humidité pour apurer le ciel.
Le jour est encore jeune,
La chaleur reste viable,
La soif qui le saisit est d'une source autre.

Il préfère se lover dans les lourdes vapeurs des herbes résineuses,
Tant pis pour gorge sèche.
Craquement allumette,
Craquement de ses os,
Il se déplie enfin d'une lenteur étudiée.

A ses lèvres un sourire flotte comme un fantôme,
Nostalgie adoucie tout autant qu'attisée,
Les souvenirs s'emmêlent,
La frustration s'étend,
L'impression assassine d'avoir failli toucher.

Ils lui manquent tellement qu'il en oublierait presque les raisons de l'exil.

Illustration : time by 'dibbi sur DeviantArt

(manquait la date : 081124)

Publicité
Commentaires
Derniers commentaires
Publicité
Publicité